Courrier à Mme la DASEN91 le 24 mars 2020 à Evry, Objet : crise sanitaire

Madame la directrice académique des services de l’Education nationale de l’Essonne,


La crise sanitaire actuelle inquiète grandement les personnels et soulève un certain nombre de questions concernant la sécurité et les conditions de travail des agents. Sur la situation des personnels qui accueillent les enfants de personnels soignants :
Ces personnels sont exposés à des enfants plus susceptibles que les autres de transmettre le virus, étant donné la profession de leurs parents ! Des enfants souvent très jeunes qui ne peuvent pas respecter les gestes barrières, ni les distances de sécurité.
Et pourtant, nous venons d’apprendre qu’il n’est pas prévu de fournir du matériel de protection à ces personnels (gants, masques). Pire : les masques achetés et stockés en vue d’une telle crise par les établissements ont été réquisitionnés par la DSDEN91 !
Pour limiter au maximum les risques de contamination des personnels et des enfants, il nous apparaît fondamental que du matériel de protection soit livré d’urgence. Personne ne se portera plus volontaire si les personnels commencent à tomber malades.
C’est surtout votre responsabilité en tant qu’employeur, c’est une obligation statutaire.

De plus, nous vous demandons que tous les personnels accueillant les enfants de soignants soient vus dans les plus brefs délais par le médecin de prévention pour une visite médicale et pour assurer le suivi médical par la suite. En effet, le ministre annonce que les personnels fragiles ne peuvent pas faire partie des volontaires mais ces collègues ne sont pas médecins, parfois ils ignorent même qu’ils font partie des personnels fragiles ou à risque. Seule une visite médicale effectuée par un professionnel de santé peut permettre de limiter les risques.
Comme pour les personnels soignants pour lesquels le Covid-19 est enfin reconnu maladie professionnelle, nous vous demandons que les personnels volontaires, qui ont pris des risques pour permettre aux soignants de soigner des malades, soient également considérés en maladie professionnelle s’ils devaient à leur tour contracter le covid19. Pour cela, nous demandons que vous mettiez tout en oeuvre pour que le comité médical continue de se réunir en visio-conférence. Nous demandons bien entendu que, dans l’attente de la décision du comité médical, cet arrêt de travail ne donne pas lieu à une journée de carence.

Nous rappelons également que l’arrêt de travail de ces personnels leur permet de ne plus être en situation de télétravail. Les chefs de services (chefs d’établissement, IEN, DSDEN) doivent donc en être informés pour ne pas exiger d’eux qu’ils fournissent du travail à leurs élèves s’il s’agit d’enseignants ou du travail administratif s’il s’agit de personnels administratifs, de chefs d’établissement ou d’IEN.
Sur les personnels en CLM, CLD :
Des difficultés risquent d’apparaître concernant les collègues déjà en arrêt maladie. Certains d’entre eux, parce que leur situation médicale le justifie, vont épuiser leurs droits de CMO à plein traitement et demander un congé longue maladie impliquant la réunion du comité médical avant l’arrêté du Rectorat. Le Ministère nous a donné l’assurance ces personnels ne basculeront pas à mi-traitement, pouvez-vous le confirmer pour notre département ?
Sur la « continuité pédagogique », la « continuité administrative » et le télétravail :
Des difficultés apparaissent bien trop souvent dans la mise en place de la « continuité pédagogique » dans les établissements. Nous vous demandons que des consignes claires soient données aux personnels de direction afin de ne pas les laisser seuls gérer la crise : la liberté pédagogique des enseignants doit s’appliquer.
Nous tenons à rappeler que tout travail à la maison est soumis au décret de 2016 sur le télétravail et donc au volontariat des personnels. Il est donc illégitime de reprocher à certains collègues quoique ce soit sous prétexte qu’ils n’auraient pas assuré la prétendue « continuité pédagogique » ou  » continuité administrative  » qui ne fait l’objet d’aucun texte réglementaire.
De la même manière, nous vous demandons d’intervenir auprès des familles qui exercent des pressions sur les enseignants ou les personnels de direction pour donner du travail aux élèves alors même que l’ENT ne fonctionne pas correctement, ou à l’inverse, sur les familles qui s’en prennent aux collègues qui donnent des devoirs à faire. Les personnels n’ont pas à subir ces pressions supplémentaires émanant de parents d’élèves qui ne sont pas leurs supérieurs hiérarchiques.
D’autre part, alors que tout le monde doit être en confinement est-ce cohérent que
les familles viennent chercher des photocopies à l’école ou au collège de leur enfant ce qui sous-entend qu’ils se déplacent, que les personnels se déplacent et/ou que la personne volontaire gère l’impression des documents… De la même façon alors que les restrictions des déplacements s’intensifient est-ce cohérent que les familles viennent chercher des tablettes, des chargeurs, des câbles dans les collèges ? La continuité pédagogique est-elle plus importante que les consignes de santé et que la vie des collègues qui, rappelons-le, n’ont aucun équipement de protection ?
Le décret de 2016 prévoyant que c’est à l’employeur de fournir le matériel permettant le télétravail (connexion internet professionnelle sécurisée, matériel informatique adapté…etc), nous souhaiterions savoir si le Rectorat vous a fourni un budget et/ou des directives particulières ? Nous comprenons bien que cette situation exceptionnelle n’a pas permis d’anticiper la fourniture de matériel pour l’ensemble des personnels placés en télétravail, c’est pourquoi, nous proposons que tous les personnels qui ont utilisé leur matériel personnel puissent se faire rembourser sur présentation de leurs factures.

Concernant les personnels en arrêt de travail et ceux qui bénéficient d’une autorisation d’absence pour garder leurs enfants, nous souhaitons qu’il leur soit signifié qu’ils ne sont pas en situation de télétravail comme le Ministère l’a rappelé lors du CHSCT ministériel du 20 mars 2020.
Nous demandons également l’assurance que les AESH et les AED qui ne peuvent pas télétravailler ne soient pas obligés de rattraper leurs heures dans le cadre des 1607h à leur retour dans l’établissement.
Sur les personnels administratifs des services déconcentrés :
Le ministre, dans une vidéo envoyée à ces personnels a expliqué qu’il leur faudra être en ordre de marche pour accueillir les élèves dans les établissements, et être prêts pour les opérations de gestion pour préparer la rentrée prochaine. La pression est déjà là !
Tout comme les services hospitaliers, les services administratifs eux aussi sont exsangues après des années de purge ! Les conditions de travail sont inacceptables ! Les personnels administratifs n’ont pas été en vacances durant le confinement, ils ont subi une situation dont ils n’étaient en rien responsables.
Le télétravail n’a pas été anticipé dans la plupart des services académiques particulièrement à la DSDEN 91 où il nous a fallu réclamer un règlement intérieur depuis plusieurs années – règlement intérieur qui sera finalement présenté en CTSA en visioconférence durant cette crise – avec beaucoup de retard.
Nous serons vigilants à ce que l’on ne demande pas aux administratifs d’effectuer en quelques semaines un travail qui prend plusieurs mois normalement.
Sur le droit de retrait :
Nous n’avons d’ailleurs à ce sujet toujours aucune réponse de vos services concernant le droit de retrait des collègues du lycée Geoffroy Saint Hilaire alors même que l’amplification de la crise sanitaire nous semble clairement justifier leur action.
Nous réitérons ce que nous vous avons déjà écrit le 9 mars, puis le 15 mars :
« Nous exigeons une réponse claire de votre part concernant notre courrier du 9 mars : les 16 collègues du lycée Geoffroy St Hilaire d’Etampes attendent toujours que leur droit de retrait soit considéré comme tel par l’institution. Le CHSCTD de l’Essonne auquel vous n’avez pas participé, a voté à l’unanimité l’avis suivant : « Le CHSCTD de l’Essonne demande à ce que le droit de retrait exercé par les 16 collègues du lycée GSH d’Etampes le 9 mars soit considéré par l’administration comme tel ». Vote pour : 7 (FO, CGT, FSU, UNSA, CFDT)
Conformément à l’article 5-5 du décret 82-453, si ce désaccord persiste nous ferons appel à l’inspecteur du travail puisque l’ISST n’a pas tranché lors du CHSCTD du 12 mars. »
Sur les instances :
Il nous apparaît crucial que les problèmes majeurs posés par cette crise sanitaire et les conditions de travail et de santé des collègues puissent être débattus dans les instances de représentation des personnels prévues à cet effet. En l’absence de dispositif de visio-conférence pour maintenir les CTSD, CDEN et CDAS, nous demandons à ce que les personnels ne soient pas lésés :

  • aucune suppression de poste, d’option, fermeture de classe, mise en place de carte scolaire, ne doit être décidé de manière unilatérale par vos services. Les personnels ne comprendraient pas qu’on leur supprime des classes ou des postes dans ce contexte.
  • Prêts et secours accordés d’office aux collègues qui en ont fait la demande. Certaines situations financières demeurent compliquées, surtout en période de confinement : vous ne pouvez pas laisser les personnels en difficulté en l’absence de CDAS.

    De plus, concernant les CTSD carte scolaire et les CDEN carte scolaire, comment pourraient ils se tenir même en « vidéoconférence » si on considère que la remontée du nombre d’inscrits ou son estimation pour la rentrée 2020 ne pourra pas être assurée par les directeurs. Et cela est d’autant plus inquiétant que ce gouvernement a déjà par avance et bien avant la crise du COVID19 sous-évalué la création de poste dans le 1er degré en Essonne, dans l’académie de Versailles et en France. Cette gestion des ressources humaines est bien entendu en lien avec la situation des hôpitaux pour lesquels le manque criant de personnels était signalé de longue date par de fortes mobilisations. La sourde oreille de ce gouvernement qui a fait disparaitre les CAP est un facteur aggravant de la crise que nous traversons. Comment le mouvement intra pourrait-il lui aussi se dérouler sans savoir quelles classes seront ouvertes, quelles classes seront fermées ? Et en plus sans GT-CAPD et sans CAPD mouvement-intra pour s’assurer de l’équité de traitement ?
    Enfin, nous nous félicitons que le CHSCTD soit réuni bien que la semaine du 30 mars soit un peu tardive. En effet, il est urgent que nous soyons consultés sur les questions de télétravail qui modifie l’organisation du travail en profondeur, sur la prise en charge du matériel qui permet de le mettre en place, sur les mesures à prendre pour assurer la protection aux personnels qui accueillent les enfants des soignants, sur toutes les situations génératrices de RPS…
    Les personnels ont le droit d’être informés de vos décisions, ils ont le droit de porter leurs demandes en matière de prévention, de santé et de sécurité et ainsi de participer à l’élaboration des mesures via les représentants syndicaux qu’ils ont élus. La crise sanitaire ne doit pas être un prétexte pour leur renier ce droit fondamental.
    Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part à l’ensemble de nos demandes, veuillez croire, Madame la DASEN, en notre attachement sincère au service public d’éducation.

    Johanna Gaston
    Secrétaire départementale de la FNEC FP-FO 91