Ecole et crise sanitaire : n’en faites pas une maladie!

La COVID : présente !

Une nouvelle élève s’est invitée dans les écoles de France depuis septembre 2020, mais elle n’apparait pas sur les relevés de présence, surtout pas… A l’heure où Mr Blanquer martèle que
« notre objectif fondamental est que les écoles restent ouvertes », les enseignants du 1er degré (écoles maternelles et élémentaires) réclament à corps et à cri d’être à minima vaccinés à défaut d’être remplacés lorsqu’ils sont malades ! Depuis Mars dernier et la première crise du Covid, ils sont aussi en première ligne, bien qu’à l’époque il était admis par le consensus gouvernemental que « les enfants ne transmettaient pas le virus » et que « les écoles ne constitueraient pas de clusters »…Dont acte ! Depuis, les scientifiques ont contredit cette ineptie digne de la méthode Coué et nombre d’élèves ont véhiculé et transmis le virus à leurs enseignants ou leur famille !
Aujourd’hui, où en est-on ? Depuis septembre, les enseignants sont en service toute la journée (ouverture et fermeture de l’école, récréations séparées, surveillance des toilettes et des couloirs) pour assurer le respect du protocole sanitaire…Dans tous les médias on affirme que tout va bien puisque les élèves respectent les distances d’1 mètre dans les classes, de 2 mètres à la cantine, qu’ils ont des masques et qu’ils se lavent les mains, que les brassages sont habilement évités !! Mais qui peut croire ça ? Sûrement pas les parents qui montrent de plus en plus leurs inquiétudes ! Certainement pas les enseignants à qui on demande sans cesse de faire des efforts sans plus de reconnaissance et dans le déni des risques qu’ils prennent eux aussi pour que « ça tienne ! »
Car c’est bien de ça dont il s’agit : les écoles ne DOIVENT PAS FERMER ! Mais sans aucun moyens
supplémentaires déployés pour garantir ce « bien-être » forcé des élèves ! Dans mon école de l’Essonne, on ouvre les fenêtres plusieurs fois par jour mais il y a des travaux depuis 2 ans et le bruit des marteaux-piqueurs et souvent le froid nous les font vite refermer pour travailler dans de « bonnes » conditions… On nous a donnés 4 masques en tissu trop épais pour être compatibles avec le métier oral de notre profession, chacun achète donc ses masques (comme son ordinateur, ses cartouches d’encre et son papier depuis 15 ans !!) ; les sureffectifs dans les classes n’autorisent pas la distanciation requise d’un mètre ; les enseignants malades ne sont plus remplacés (faute d’un véritable bassin de remplaçants sur toute l’académie de Versailles en mal de volontaires !) et leurs élèves vont encore alourdir les autres classes…
Le personnel municipal d’entretien des écoles en est à son 4ème jour de grève depuis septembre : ils n’ont pas les moyens humains de nettoyer correctement les classes et sont épuisés par la surcharge de travail.

Autre anecdote édifiante sur la volonté du gouvernement de se taire sur la réalité sanitaire des écoles : des tests salivaires ont été faits il y a 10 jours. Résultats : 10 cas positifs chez nos élèves mais sans qu’on puisse savoir qui. Un message est envoyé aux familles pour leur demander de se déclarer afin d’informer d’éventuels cas contacts. Seuls 7/10 ont répondu…Aucune obligation n’est faite de se déclarer, les parents peuvent donc mettre tout de même leurs enfants à l’école. Pire : pas d’obligation des parents de fournir une attestation de test négatif après une période d’isolement ! Certains petits gardent le même masque toute une semaine, les écoles n’ont pas les moyens de leur en donner. De toute façon, les enseignants et les élèves sont masqués, la COVID ne se répandra pas.…
Mais de quoi se plaint-on ? Castex affirme que nous sommes « choyés » ! Le gouvernement est « fier » de ses enseignants ! Moi, j’ai mal à mon école depuis quelques années déjà car la crise sanitaire n’est qu’un révélateur de la maltraitance de l’Education Nationale vis-à-vis de ses fonctionnaires : la dégradation des conditions de travail est constante. Elle conditionne pourtant la réussite et l’épanouissement des élèves de tous âges !
Si l’école est malade, les élèves aussi, le système aussi, la société aussi… C’est comme un virus dont on connait pourtant l’antidote :
-> des postes d’enseignants supplémentaires et pas seulement dans les REP
-> des effectifs de classe réduits à 20 partout en France pour favoriser la différenciation et enfin réussir à gérer l’hétérogénéité de nos classes où l’inclusion systématique d’enfants handicapés fait des ravages
-> le recrutement d’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) formées et professionnelles avec un VRAI salaire (actuellement 700 euros par mois pour 24h/semaine)
-> un réseau d’aide aux enfants en difficultés (RASED) réhabilité dans toutes les écoles avec de vrais maîtres spécialisés formés comme auparavant
-> une revalorisation salariale des enseignants dont le salaire est gelé depuis 2010
-> l’arrêt des pressions et du flicage permanents de notre hiérarchie qui fonctionne de plus en plus comme une entreprise privée qui « manage » ses agents….

200 millions ont été économisés en 2020 sur le dos des profs : Blanquer n’a pas jugé utile de verser la
totalité du budget 2020 (comme en 2018 !!)… 200 millions c’est 4200 postes d’enseignants dans un
budget qui supprime 1800 postes dans le 2nd degré ! C’est aussi la moitié de la revalorisation promise aux enseignants l’an dernier (et toujours pas versée à ce jour !). Largement médiatisée en revanche, la prime informatique de 150 euros allouée en février. Merci Mr le ministre : 12 euros par mois (imposable !) pour garantir l’achat, le fonctionnement et l’entretien de mon outil de travail, c’est comment dire… ? Leader Price n’aurait pas fait mieux !
L’omerta sur ce virus (et tout ce qui le concerne de près ou de loin, cf les vaccins, le nombre de malades, les SOS des hospitaliers…) est révélateur de tout le tissu de mensonges qui encercle le monde de l’école aujourd’hui : il faut se taire sur l’état moral des profs, sur leurs appels au secours depuis des décennies, sur les directeurs-trices surchargés de responsabilités chronophages et justiciables, sur les échecs successifs des gouvernements à rétablir une réelle égalité des chances et un avenir professionnel pour tous, sur la propension de notre société à consommer et à vouloir des résultats, à tous prix, même celui des mensonges et de la démagogie…
Où est passé l’intérêt de l’enfant là-dedans ? La maltraitance de l’institution n’a pas de limite, tout comme le virus de la COVID n’a pas de frontières… J’aimerais être vaccinée contre le pessimisme et
l’incohérence sociale qui gangrène peu à peu notre société. Mais ce n’est pas possible, j’ai à peine 50 ans !
A nous, enseignants de tous âges, de reprendre en main notre destin de « hussards de la République », de faire tomber le masque de la médiocrité de nos dirigeants ! L’indignation et le refus des compromis restent notre fierté et notre seul moyen de sauver l’école et ses valeurs. Ce combat d’éveil des consciences peut être celui des syndicats ou de tout citoyen encore éclairé et éveillé.

https://blogs.mediapart.fr/sosodevaud/blog/210321/ecole-et-crise-sanitaire-nen-faites-pas-une-maladie