Lettre à JM, Objet : crise sanitaire COVID19 !

Monsieur le Ministre,
Depuis une semaine, des personnels volontaires accueillent dans les écoles et établissements les enfants des personnels soignants. D’autres sont amenés à assurer une continuité administrative indispensable. Nous renouvelons notre demande que les mesures de protection et d’hygiène soient appliquées, que du matériel (masque, gel hydroalcoolique, serviette à usage unique…) soit systématiquement fourni. Dans l’immense majorité des écoles, des services et des établissements, ce n’est pas le cas1.
Lors de la visioconférence du 17 mars, le Recteur de Bordeaux a par exemple informé les organisations syndicales que la priorité n’était pas à la distribution de protections individuelles. Monsieur le ministre, nous vous rappelons que vous avez une obligation de protection de vos agents. Il est de votre responsabilité de lister l’ensemble des personnels volontaires avec leur lieu d’exercice et de suivre leur état de santé.
Depuis une semaine, les personnels assurent la continuité pédagogique dans des conditions difficiles (dysfonctionnement des ENT, difficultés de connexion etc.), dans un climat anxiogène. Comme vous le savez, ils font le maximum pour maintenir le contact avec les familles, avec les élèves : aucun élève n’est laissé « sur le côté ». Certes, toutes les familles n’ont pas un ordinateur, une imprimante ou une connexion internet mais les enseignants leur communiquent des conseils pratiques pour que chacun puisse s’organiser au mieux, même sans photocopie le cas échéant.
1 Rappelons que le plan national de lutte contre une pandémie grippale (élaboré en 2007 lors de l’épidémie de la grippe aviaire) précisait dans son paragraphe I.10 :
« L’utilisation du masque F.F.P.2. est recommandée pour les personnels qui, dans le cadre de leurs activités professionnelles, sont en contact direct avec le public ou ont de nombreux échanges. […] Les recteurs d’académie doivent assurer l’équipement en masques de protection des personnels concernés et informer l’administration centrale des initiatives qu’ils prennent dans ce domaine. Ils communiquent au ministre, au 31 décembre de chaque année, l’état des stocks de masques F.F.P.2. et anti-projections dont ils disposent. »
Le plan révisé d’octobre 2011 indiquait dans la « Préparation du dispositif de santé » : « Préparation de stocks de masques (Santé, tous ministères, entreprises) », lesquels masques étaient mentionnés dans toutes les « mesures barrières de protection et de limitation de la contamination interhumaine » dudit plan.
Alors… où sont les masques de notre ministère ?

Alors que le Président de la République et le gouvernement envisagent un « durcissement » des mesures, alors même que les chercheurs, les médecins, tous les soignants implorent la population à rester strictement confinée pour éviter que les hôpitaux ne soient débordés, les recteurs et Dasen demandent aux directeurs d’école, IEN et personnels de direction d’organiser dans leurs écoles et établissements la production et la distribution aux familles de documents photocopiés ce qui signifiera obligatoirement le regroupement de personnes dans et aux abords des locaux scolaires.
De plus, les recteurs et Dasen demandent à ces mêmes personnels de signer des attestations dérogatoires à l’interdiction de se déplacer pour les parents d’élèves qui viendront chercher les documents photocopiés alors qu’en aucun cas ceci ne fait partie de leurs missions. Selon nos syndicats qui sont intervenus pour demander l’arrêt de ces injonctions, l’administration leur a répondu que cette consigne émanait du ministère.
C’est ce que confirment en effet vos propos sur BFM TV, le 20 mars, en réponse à une mère de famille, l’invitant à venir chercher des documents pédagogiques à l’école, lui proposant même de déroger à la règle : « Si vous cochez le 4ème cas c’est un motif familial impérieux d’aller chercher le travail des enfants ».
Monsieur le Ministre, il est inacceptable de mobiliser une nouvelle fois des personnels sur leur lieu de travail et ainsi mettre en danger la vie de ces salariés pour des procédures qui ne relèvent pas de l’urgence vitale. Sur ce point, la question n’est plus d’indiquer qu’il s’agit d’une possibilité pour des collègues « volontaires ».
Tous les spécialistes s’accordent pour dire que le pire de cette pandémie reste à venir, l’exemple de nos voisins italiens le démontre. Il est de votre responsabilité de faire respecter des consignes nationales dans l’intérêt de tous, à savoir le droit de rester chez soi.
Il est annoncé « une instruction conjointe MENJ-MININT » qui généraliserait cette procédure ; nous vous demandons solennellement de renoncer à la publication de ce texte.
Des services stratégiques ou critiques ont été identifiés par l’administration. Certaines opérations ne pourraient se faire à distance, comme assurer la paie, payer les bourses… S’il est évident que les salaires et les bourses sont primordiales pour les personnels et les familles, il est nécessaire que le service minimum demandé à certains agents volontaires soit assuré dans la plus grande sécurité et dans le respect des conditions de travail. Ce qui n’est pas toujours le cas.
La pression est mise sur ces collègues mais également sur les personnels d’encadrement qui doivent assurer cette continuité. Selon les départements et les académies, des personnels sont désignés selon des critères différents. Nous demandons que ces critères soient strictement définis dans un cadre national. La gestion de cette crise doit se faire avec des décisions très claires nationales et non suffisamment floues pour empêcher une application locale décidée par chaque recteur, DASEN, chef d’établissement ou de service, IEN. Parce que l’Education est nationale, il ne peut y avoir de différences d’une académie à une autre, d’un département à l’autre.
Pire encore, les consignes sanitaires sont ouvertement bafouées dans certains départements et académies, au sein desquels vos représentants locaux considèrent que tous les personnels des services déconcentrés sont « mobilisables », y compris sur site lorsque l’équipement en matériel informatique

n’est pas disponible. Nous exigeons que les PCA soient strictement encadrés par des règles nationales pour que n’y figurent que les missions effectivement indispensables. Comme l’ensemble de nos concitoyens, les personnels de l’Education nationale doivent être protégés et pouvoir respecter le confinement indispensable à la lutte contre la propagation du Covid-19.
Nous demandons que les décisions prises le soient dans le cadre des statuts et des droits des personnels. Ce ne doit pas être l’occasion de nouvelle dérèglementation. La FNEC FP-FO est d’ailleurs inquiète des déclarations ministérielles sur l’éventualité d’une remise en cause du calendrier scolaire alors que les personnels assurent dans des conditions très difficiles la continuité pédagogique.
Nous demandons ici que les nouvelles mesures de suppressions d’emplois pour la prochaine année scolaire soient retirées. Les Comités Techniques ne peuvent pas se tenir dans de bonnes conditions, l’heure n’est pas à la suppression de moyens mais à leur développement.
Nous demandons des garanties pour nos collègues contractuels, pour la pérennité de leur contrat.
Nous demandons que des instructions soient données pour que les jours de grève ne soient pas retirés.
Enfin, le Président annonce la suspension de toutes les réformes. Nous en appelons au retrait de celles-ci, à commencer par la réforme des retraites, et l’abrogation de la loi de transformation de la fonction publique. La suppression des compétences des CAP alourdit considérablement le travail des personnels des services déconcentrés, a fortiori dans le contexte actuel (ce sont les mêmes qui gèrent les payes et les carrières dans leur ensemble).
Une mesure de bon sens s’impose : la possibilité pour les syndicats de faire leur travail de contrôle a priori, l’accès à tous les documents relatifs aux mutations (tableaux de mutations avec les situations individuelles et collectives) : cela soulagerait les personnels administratifs et éviterait toute suspicion à l’encontre de l’administration, à qui on pourrait reprocher de profiter du confinement pour accélérer le règne de l’arbitraire. Dans ces conditions, il est aussi indispensable de reporter les opérations liées aux mouvements de mutation mais aussi aux promotions (listes d’aptitude et tableaux d’avancement).
Monsieur le Ministre, le plus court chemin pour sortir de cette crise, c’est d’entendre les salariés et fonctionnaires qui veulent se protéger et assurer leurs missions, c’est de répondre à leurs revendications et leur donner les moyens de faire face.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations distinguées.
Clément POULLET
Secrétaire Général de la FNEC FP FO

Fédération Nationale De L’enseignement De La Culture Et De La Formation Professionnelle Force Ouvrière