Monsieur le Ministre,
Nous avons écouté votre intervention sur France Info ce matin. Encore une fois, la plupart des décisions sont renvoyées au niveau local, les chefs d’établissements, les IEN étant chargés d’organiser la présence des personnels.
Or, jusqu’à maintenant l’absence de cadrage national a provoqué une grande confusion, une hétérogénéité des consignes données aux personnels. La question de la collègue AESH sur France Info ne comprenant pas pourquoi sa présence était exigée à l’école en est l’illustration, et votre réponse est pour le moins floue : « il est possible que vous puissiez rester chez vous. »
Certains de vos propos ont attiré notre attention en particulier : « L’objectif n’était pas de faire venir les professeurs dans l’immense majorité des cas. » La quasi-totalité sera présente sur la base du volontariat.
C’est pourquoi nous demandons de votre part une consigne nationale, dans les meilleurs délais, indiquant :
• que toutes les réunions convoquées demain seront annulées,
• que tous les conseils de classe et réunions d’équipes en présentiels seront annulés,
• que la présence des personnels se fera sur la base du volontariat, comme vous l’avez indiqué. « Une personne qui n’est pas volontaire ne doit pas venir », notamment « si elle n’est pas à l’aise psychologiquement avec cette situation ». Une telle directive ministérielle permettra qu’aucune pression locale ne s’exerce sur un agent qui ne souhaite pas venir.
• que tous les lycées seront totalement fermés aux élèves et personnels : vous avez en effet indiqué que le service minimum pour les enfants des personnels soignants ne concernera que les petites classes : écoles primaires et collèges.
• que les collègues AESH ne soient pas mobilisés pour d’autres missions que celles figurant dans leurs contrats. S’il n’y pas d’élèves notifiés MDPH, l’administration n’a aucune raison d’exiger leur présence. Il en est de même pour les AED, les CPE, les professeurs documentalistes, les PSYen.
Les services de cantine de garderie et d’activités périscolaires vont être interrompus dans l’immense majorité. Les collectivités ont fait le choix de mettre tous leurs agents en arrêt de
travail pour assurer leur protection. Dès lors nous vous demandons de rappeler que les personnels présents ne sont pas responsables des élèves sur ce temps hors temps scolaire.
Vous n’avez pas parlé des personnels ATSS. Les services déconcentrés seront-ils fermés ? Devront-ils se rendre dans les EPLE ? Devront-ils recevoir du public ? Quelles mesures sont prises pour les protéger ?
Nous demandons un traitement identique pour tous les personnels et non pas au bon vouloir du supérieur hiérarchique. Nous avons constaté des pressions ici et là pour obliger les personnels administratifs à s’organiser pour faire garder leurs enfants.
Concernant la garde des enfants des personnels soignants, la FNEC FP-FO considère que cette mesure va bien au-delà des missions des enseignants puisqu’elle ne relève absolument pas de pédagogie ou d’apprentissage, mais d’un dispositif de type “garderie”. Dans le cadre de la solidarité nationale évoquée par le gouvernement, cette mesure ne saurait concerner les seuls enseignants. Les modalités doivent être définies par les personnels médicaux compétents (est-il raisonnable de regrouper une dizaine d’enfants de soignants dans un même lieu ?) et ne peuvent reposer que sur un appel à volontariat avec la mise en place de toutes les mesures de sécurité nécessaires.
« La santé des personnels de l’Éducation nationale est la première de mes préoccupations » (Jean-Michel Blanquer, France Info, 15 mars)
C’est surtout votre responsabilité en tant qu’employeur, c’est une obligation statutaire. À aucun moment depuis le début de la crise sanitaire le CHSCT ministériel n’a été consulté.
Nous souhaitons rappeler que le droit de retrait doit pouvoir s’exercer dès lors qu’un personnel a un motif raisonnable de penser que sa santé ou sa vie sont en danger. Il n’est pas dans les prérogatives de l’administration de contester a priori ce droit. Si celle-ci le conteste, ce doit être sur la base d’une enquête associant les membres du CHSCT et la réunion d’un CHSCT. Nous vous demandons donc de réactualiser la FAQ en fonction de ces éléments.
Dans certains établissements qui sont bureaux de vote ce dimanche, il ne sera pas procédé à une désinfection des lieux sauf à demander au personnel ouvrier de le faire un dimanche soir et sans protection, ce qui est scandaleux. Nous demandons que tous les établissements scolaires bureaux de vote soient fermés lundi 16 mars.
Le virus ne s’arrête pas à la porte des établissements scolaires ! Il circule déjà dans de nombreux établissements, écoles et services et universités (comme celle de Saint-Étienne où 6 cas de Coronavirus ont été déclarés) que l’administration a refusé de fermer, malgré les droits de retrait ! La FNEC FP-FO demande que soit communiquée la liste des établissements où des cas d’infection ont été constatés… Elle demande que ces établissements soient fermés.
Les personnels vont être en contact direct avec des enfants dont les parents soignants seront en contact avec des malades du coronavirus : n’est-ce pas dangereux pour la santé des collègues ?
Nous demandons des masques de protection pour tous les personnels qui accueilleront des enfants ou des familles. Dans beaucoup d’écoles et d’établissements, il n’y a pas de gel hydroalcoolique. Vous parlez de distance de sécurité, mais vous n’ignorez pas que pour aller au travail, des milliers de personnels prennent le métro, les transports en commun : comment font-ils
pour prendre leurs distances de sécurité ? Le Premier ministre l’a rappelé : « nous devons impérativement limiter les déplacements, les réunions, les contacts.
Pouvez-vous assurer que tous les personnels à risque seront contactés par les services de prévention, que tous ceux dont la santé ou la pathologie le nécessite bénéficieront des mesures d’éloignement du travail et qu’ils bénéficient du suivi médical comme prévu par le décret 82-453 modifié ?
Concernant le télétravail, nous rappelons que le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 fixe les modalités et les conditions de mises en oeuvre du télétravail dans la Fonction publique. Ces textes indiquent que doivent être respectés notamment le volontariat de l’agent, la fourniture de matériel, l’organisation du travail, le décompte du temps de travail.
Vendredi 13 mars, vous avez dit que les enseignants qui n’ont pas de solution de garde, ou les personnels fragiles pourront rester chez eux. En ajoutant : « Ils seront en télétravail » : pour la FNEC FP-FO, ce n’est pas acceptable : les personnels qui gardent leurs enfants doivent bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence (ASA 1950). Ils gardent leur enfant. Ils ne travaillent pas.
Ces questions urgentes appellent des réponses urgentes.
En tout état de cause la FNEC FP-FO condamnera toute tentative d’utiliser la crise sanitaire pour remettre en cause les statuts et les libertés fondamentales.
Elle n’oublie pas que c’est à l’occasion d’un Conseil des ministres destiné à faire face à la maladie que le gouvernement a utilisé l’article 49.3 pour imposer, « au nom de la démocratie », une réforme des retraites rejetée par l’immense majorité.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de notre entière considération.
Clément POULLET, Secrétaire Général de la FNEC FP-FO