Compte rendu de l’audience de la FNEC FP-FO du 16 juin 2020 auprès du ministre de l’Education nationale

Une délégation de la FNEC FP-FO a été reçue par le ministre en visioconférence le mardi 16 juin 2020.
Le ministre a souhaité indiquer en préambule, comme lors de la précédente audience, qu’il n’était pas satisfait des publications et des communiqués de notre fédération, que nos échanges étaient cordiaux mais qu’il ne retrouvait pas dans notre communication tous les éléments positifs d’une politique menée par le gouvernement « malgré notre organisation syndicale », puisque la gestion de la crise sanitaire a été, selon lui, bien meilleure que dans la plupart des autres pays. Nos écrits sont de loin pour lui les plus radicaux et les plus désagréables. En cette période de crise, c’est dangereux. Et de s’interroger si cette audience servait à quelque chose.

FO : Nous sommes ici pour porter, en toute indépendance, les revendications dans le cadre du mandat confié par nos adhérents. Notre fédération est très largement représentative et il est donc légitime que nous puissions échanger et porter nos revendications auprès de vous, quand bien même nous avons des divergences d’analyse et des désaccords. Nous rendrons compte de façon précise aux personnels de notre mandat et de vos réponses à nos revendications.
Nous vous remercions donc de nous recevoir, même si nous souhaiterions que les audiences, les instances, se déroulent en présentiel. Nous étions d’ailleurs aujourd’hui à deux pas du ministère puisque nous avons manifesté avec nos camarades hospitaliers qui s’opposent aux projets gouvernementaux du « Segur de la santé » qui menace leur statut et revendiquent les augmentations de salaires légitimes.
[NDLR : Ces personnels ont eux-aussi certainement quelques « nuances » avec le gouvernement sur son autosatisfecit concernant la gestion de la crise sanitaire…]

Personnels administratifs
FO : Nous souhaitons aborder en premier la question des personnels administratifs.
Ces personnels sont à bout. De nombreux collègues sont en burn-out. La surcharge de travail devient insupportable. Les postes manquent, les personnels ne disposent pas des équipements informatiques nécessaires, les consignes contradictoires (par exemple pour les divisions examens et concours ou encore les services de gestion de personnels) suspendent le travail. Dans ces conditions, les menaces sur les droits à congé apparaissent comme une provocation inacceptable. Nous vous demandons de faire respecter tous les congés des personnels. Nous demandons à être reçu de manière spécifique pour porter les revendications des personnels administratifs.
Monsieur le ministre de l’Education nationale (MEN) : vous serez reçu rapidement par M. le Directeur Général des Ressources Humaines.

Annonces ministérielles sur l’assouplissement du protocole « sanitaire », 2S2C
FO : Suite aux annonces du président E. Macron et aux vôtres au sujet du fonctionnement de l’école à partir du 22 juin, de nombreuses interrogations subsistent. Tout d’abord sur la méthode : les chefs d’établissements, les directeurs d’écoles, tous les collègues, ont préparé l’organisation de leur école, de leur établissement, jusqu’à la fin de l’année scolaire. Ils vont devoir tout réorganiser. Ils apprennent ces
informations par les canaux médiatiques. Tout cela sur fond de « prof-bashing ». Beaucoup de collègues se sentent méprisés.
MEN : J’ai réaffirmé, à de nombreuses reprises, que je soutenais tous les enseignants, tous les personnels de l’Education nationale.
FO : Sur le nouveau protocole « sanitaire », les grandes lignes indiquent que tous les élèvent pourraient être accueillis mais qu’une distance permanente de 1 m devra être respectée. Tout cela nous parait contradictoire.
MEN : Vous n’avez cessé à FO de mettre en avant les dangers sanitaires. Vous êtes bien pour qu’il y ait un protocole ?
FO : Nous avons dès le début de la crise sanitaire demandé que les mesures garantissant la santé et la sécurité des personnels soient prises (masques FFP2 si nécessaire notamment, gel, dépistage systématique avant la reprise, médecine de prévention, suivi des personnels à risque…). Des avis en ce sens ont été votés par le CHSCTMEN auxquels vous n’avez toujours pas répondu. Nous vous avons clairement indiqué que le protocole que vous aviez proposé ne répondait pas à nos revendications et qu’il était pour nous inapplicable. Pire, l’école dans le cadre de ce protocole n’est plus l’école, ce qui place les personnels et les élèves dans des conditions de travail inacceptables.
Qu’en est-il avec ce nouveau « protocole » ?
MEN : Nous avons appliqué la doctrine sanitaire de l’ARS de mise à disposition systématique de masques et de dépistage réservé en cas de symptômes avec test des cas contacts. Avec le recul de l’extension du virus, nous avons décidé d’alléger le « protocole » puisqu’il s’agit maintenant d’une distance latérale de 1 m et non plus d’une surface de 4m2. On pourra accueillir tous les élèves, d’autant plus que certains ne viendront pas. Il y a la possibilité d’utiliser les dispositifs 2S2C (sport, santé, culture, civisme), accueillir au CDI dans les collèges… L’objectif est de recevoir tous les élèves, y compris dans leur classe, et nous en sommes collectivement capables.
FO : Dans les conditions de reprise que vous décrivez, quel est le sens de maintenir un protocole qui n’a de « sanitaire » que le nom si ce n’est pour faire porter la responsabilité sur les personnels en cas de problème et de justifier des dispositifs de dérèglementations comme les 2S2C. Dans ces conditions, nous demandons la levée du protocole « sanitaire » et l’arrêt immédiat des 2S2C.
MEN : Nous souhaitons maintenir un protocole « sanitaire » car le virus n’a pas complètement disparu, mais il est très allégé. Pour les 2S2C, là où il y a des conventions signées, les activités sont de très bonne inspiration. Ce système actuel est maintenu jusqu’au 4 juillet. Après, nous étudierons une autre formule car nous voulons promouvoir les activités de sport et culture avec de nouvelles approches. Nous écouterons les critiques et réunirons des groupes de travail à ce sujet pour préparer la rentrée.
FO : Si vous voulez écouter nos critiques, c’est arrêt immédiat ! L’enseignement du sport et de la culture doit se faire à l’Ecole par les enseignants fonctionnaires d’Etat. Ces mesures s’articulent pour nous autour d’une même logique de territorialisation de l’Ecole. La crise sanitaire et la reprise dans le cadre du « protocole » ont été l’occasion de donner la main mise aux mairies et aux collectivités pour les mesures d’organisation qui ont été différentes partout. Dans le même temps, après votre loi sur la confiance qui reconnait aux jardins d’enfant le droit de dispenser l’enseignement, vous mettez en place les formations commune PE/ATSEM sous l’égide des collectivités territoriales, ce qui est très inquiétant pour l’avenir de l’école maternelle et de leurs enseignants fonctionnaires d’Etat ; le BAC national est attaqué tout comme les concours pour les personnels ; enfin, vous portez avec la député Mme Rilhac une nouvelle loi sur la direction d’école renforçant l’autonomie et le lien de subordination des directeurs avec les élus locaux.

Proposition de loi sur la direction d’école
MEN : La proposition de loi sur la direction répond à la consultation que nous avons faite auprès des directeurs avec l’octroi de décharges supplémentaires, la mise en place d’un emploi fonctionnel, l’allègement des tâches et les aides administratives. Elle n’aura pas de portée pour l’année prochaine compte tenu du processus législatif.
FO : Cette loi ne répond pas aux revendications des directeurs et des personnels portées par FO : elle met en place un quasi-statut avec un emploi fonctionnel qui peut être retiré à tout moment ; le directeur est placé sous l’autorité du DASEN (l’IEN disparait) ; il suit une « feuille de route » qui le rend chargé de mission sur l’enseignement, l’accompagnement des personnels, la formation, la coordination, le périscolaire ; il rend des comptes au maire ; le conseil d’école devient décisionnaire, renforçant l’autonomie et l’ingérence des élus ; l’aide administrative serait octroyée par la mairie… Aucune amélioration significative (décharges par exemple) n’étant prévue pour les petites écoles, la logique de regroupement et fusion devient évidente.
MEN : Il y a de votre part une volonté de cultiver les malentendus. Le cadre national de l’Ecole, j’y suis attaché également, au point de recevoir les critiques d’autres organisations syndicales qui me reprochent mon verticalisme (!).
Les 2S2C ne remettent pas en cause le caractère national. C’est un dispositif de crise pour accueillir de manière plus efficace plus d’élèves. Il a reposé sur la souplesse locale et beaucoup de commune ont joué le jeu. Il ne sera pas de même nature à la rentrée et reposera sur les partenariats locaux.
Sur le projet de loi sur la direction d’école, c’est logique qu’il y ait des interrogations. Il y a encore de grandes marges de manœuvre. N’hésitez pas à rencontrer Mme la député Rilhac.

Téléenseignement
FO : Nous souhaitons également revenir sur le téléenseignement qui a été très mal vécu par de nombreux collègues. Il est question d’une proposition de loi. Là-aussi, un avis du CHSCTMEN demande son abandon.
MEN : Je vous confirme que notre objectif n’est pas de développer le téléenseignement. Mais dans le cas où il y aurait à nouveau un confinement, il nous faut être bons. Nous allons étudier le projet de loi mais il n’y a pas de notre part de volonté de systématisation du téléenseignement.

Répression :
FO : Nous condamnons la répression dont sont victimes certains collègues qui se sont mobilisés pour la défense du Baccalauréat contre la mise en place des E3C, comme nos collègues de Melle. En particulier, nous demandons l’arrêt des poursuites à l’encontre de notre camarade Alain Rey, secrétaire départemental du SNFOLC et secrétaire fédéral dans le Lot.
MEN : Nous prenons note de ces demandes et interviendrons en direction des recteurs. Mais ces décisions relèvent du niveau local.
FO : De nombreuses prises de position en défense de notre camarade Alain Rey ont été décidées dans toute la France. La revendication d’arrêt de toute poursuite ou sanction sera à l’ordre du jour des rassemblements du 24 juin.

Postes
FO : Sur la question des postes, nous demandons l’arrêt des fermetures de postes et l’ouverture des postes nécessaires. Les postes manquent partout. Dans le premier degré, 1248 postes ont été ajoutés à la dotation portant les créations à 1648 postes. Nous sommes surpris de constater qu’il n’y a eu pour pourvoir à cette décision que 625 places supplémentaires au concours. Qu’en est-il du reste ?
MEN : Il faudrait le regarder dans le détail mais nous sommes soumis à un rendement, au problème de sélectivité, donc nous devrons avoir recours à des contractuels.
FO : Certaines académies n’ont pas de problème de recrutement et ont eu une baisse très importante du nombre de places au concours. Nous ne comprenons pas ces décisions si ce n’est de vouloir augmenter artificiellement le nombre d’enseignants contractuels.
MEN : Nous allons étudier cela de prêt. Encore une fois, mon objectif n’est pas d’aller vers la contractualisation. Sinon, nous ne ferions pas de campagne nationale de recrutement pour les 25 000 postes de l’an prochain. Pour développer l’attractivité de notre secteur, il est nécessaire d’envoyer des signaux positifs et vous avez un rôle à jouer en ce sens.
[NDLR : la boucle est bouclée…]
Conclusion et rassemblement le 24 juin
FO : Nous constatons que pour le moment vous ne répondez pas à nos revendications. C’est pourquoi nous avons proposé l’action commune, sans attendre septembre, aux autres organisations syndicales sur la base de nos revendications et nous rassemblerons au ministère, devant les rectorats et les DSDEN, le mercredi 24 juin prochain. Nous vous demandons de recevoir la délégation intersyndicale qui demandera audience.